09/03/2006
Maison de la Radio,
Paris
Bernard Parmegiani / Festival Présences Électronique 2006 / Luc Ferrari / Maison de la Radio / Pierre Henry / Ryoji Ikeda
La version électronique du festival Présences 2006 offre cette année une affiche de rêve, avec Pan Sonic, Oval, Ryoji Ikeda aux côtés de Bernard Parmegiani et Pierre Henry. La soirée d’ouverture est consacrée à ces pionniers du GRM qui font office de pères fondateurs pour la musique électronique actuelle.
Bernard Parmegiani présente trois oeuvres de périodes différentes, de 1970 à aujourd’hui. Des enceintes de toutes les formes sont dispersées dans la salle Olivier Messiaen de la Maison de la Radio : modèles de studio et globes rouges sur scène, et des douches (dont la pomme est remplacée par un petit haut-parleur) parmi le public. Parmegiani, placé derrière la table de mixage, va utiliser tout cet attirail pour spatialiser sa musique. La première oeuvre, la plus ancienne, s’intitule L’oeil écoute. Cela pourrait être L’oreille regarde, tant les sons sont évocateurs, et permettent de visualiser des tempêtes, des nuages d’insectes ou des ambiances. La facture est assez classique. La musique procède par blocs (des mouvements ?), dans lesquelles les nappes se remplacent et se superposent en de lents crescendos.
Le deuxième morceau, de 1991, s’appelle Le printemps composé. Cette fois-ci les sons ont un aspect plus synthétique, et organisés avec plus de ruptures de rythme. De lentes alternances de bruitages évoquent les sinusoïdes des appareils qui ont servi à produire la musique. Ce morceau pâtit un peu de son caractère trop abstrait : la découverte des possibilités du synthétiseur transparaît trop dans la succession des sonorités datées. Au gré du souffle, le son s’envole..., le troisième et dernier morceau est une création, qui reprend et modifie le Plain souffle de 1972. Comme le titre l’indique, le matériau de départ est fait de souffles, de vent, et est transformé et malaxé par les appareils de Parmegiani.
Après la pause, Christian Zanési vient diffuser Hétérozygote de Luc Ferrari, hommage du GRM au compositeur disparu l’an dernier. La pièce est basée sur des enregistrements faits par Ferrari en se promenant, suivant sa volonté de sortir du studio. On y trouve ce qu’il appelait des anecdotes, des bruits reconnaissables, bruits de voix pour la plupart. La spatialisation apporte ici un plus : ces interjections de discours paraissent plus surprenantes dans la salle qu’à l’écoute d’un simple enregistrement. Néanmoins, la musique est énormément travaillée, et il est beaucoup plus dur de reconnaître le matériau d’origine que dans des oeuvres ultérieures comme les Presque rien.
Suit une création de Pierre Henry, Variation, composée en hommage à Luc Ferrari. Il s’agit d’une longue suite de bruits qui s’entrechoquent dans un rythme heurté. Les sons font penser à des percussions idiophones (crécelles, bols...) ce qui leur donne un aspect primitif. Cela contraste avec leur ordonnancement faussement aléatoire et bruitiste, typiquement contemporain. Le manque de clarté de la structure de la pièce fait qu’elle nous semblera un peu longuette.
Ryoji Ikeda conclut en beauté la soirée (qui était déjà d’un fort bon niveau). Il entame son set par une longue sinusoïde qui monte peu à peu en intensité, d’abord à peine perceptible et ensuite difficilement supportable tant elle occupe tout l’espace, à la manière de Sachiko M. Cette influence est encore présente dans le deuxième morceau, grosse nappe d’infra-basses parsemée de stridulences qui vrillent l’oreille. La mise en danger du confort de l’auditeur semble être sa ligne directrice ce soir. Petit à petit, les nappes font place à ce qui était la marque de fabrique d’Ikeda il y a 2 ou 3 ans, des rythmiques métronomiques traversées de fulgurances saturées, comme le Pan Sonic d’aujourd’hui. On a alors envie de se mettre à danser, mais ce n’est pas vraiment le lieu.
le 15/03/2006