Banlieues Bleues : The Ex + Getatchew Mekuria / Mohammad Jimmy Mohammad Trio + Han Bennink

La soirée commence avec le chanteur éthiopien Mohammad Jimmy Mohammad. Il a paraît-il forgé son style en interprétant les succès de Tilahun Gessesse dans les bars d’Addis Abeba. À voir la maison de la culture de Bobigny pleine à craquer, on se dit que son public s’est un peu élargi. Il est accompagné ce soir par Asnake Gebreyes qui tapote un rythme un peu figé (ou lancinant ?) sur son koboro (fait maison ? en tous cas il avait l’air d’y tenir et l’embarque avec lui dès la fin du concert). Mesele Asmamaw, dont on n’avait pas oublié la prestation pour les 25 ans de The Ex à Pontoise, tire des sons toujours aussi groovy et électriques de son krar, ce qui ne manque pas d’étonner vu la fragilité de l’instrument (une sorte de mini-harpe avec une caisse de résonance, qu’il réaccorde sans cesse entre les morceaux). Mais le plus déchaîné ce soir, c’est Han Bennink : il est visiblement heureux de faire découvrir ses compagnons éthiopiens au public européen. Ses tourbillons de baguettes sont habituels, mais il éprouve encore le besoin de venir jouer avec une simple caisse claire ou une chaise juste à côté du chanteur, pour resserrer l’action. La liesse est générale, des membres du public se joignent à Gebreyes pour une démonstration de danse.

The Ex et leurs invités montent ensuite sur scène. Il y a tout d’abord Getatchew Mekuria, avec qui ils vont enregistrer un album ces jours-ci. Ce saxophoniste a forgé tout au long du siècle dernier (il a aujourd’hui plus de 70 ans) un son qui combine les airs traditionnels éthiopiens avec des accents free. Il marque de son style le début du concert : une mélodie lancinante suit un rythme lent et chaloupé. Une section d’instruments à vent donne un côté big band à l’ensemble, notamment quand des éclats de trombone viennent ponctuer le phrasé musical de Mekurya. Andy et Terrie, les deux guitaristes de The Ex, encadrent la troupe des musiciens et électrisent les morceaux. Ils sont fidèles à leurs habitudes scéniques, se démènent, tentent de maîtriser leur instrument, et on ne voit qu’eux. La basse est tenue par Colin McLean, qui jouait aux côtés d’Andy dans Dog Faced Hermans et qui accompagne The Ex dans l’ombre des studios depuis le milieu des années 90. À le voir ce soir, on se dit qu’il est parfait pour le rôle, son flegme contrebalance bien l’énergie des guitaristes. Le rythme du concert dévie un peu quand Sok fait son apparition pour chanter/scander ses textes. Le côté "Ex" prend le dessus, et le conserve pendant une chanson en éthiopien de Kathryn. La musique comprend alors un mix de techniques qui la fait tendre vers le langage de l’improvisation, depuis le mégaphone de Sok jusqu’au curieuses notes que Xavier Charles sort de sa clarinette.

Mahmoud Ahmed devait conclure la soirée à l’invitation de l’Either Orchestra. Hélas ceux-ci commencèrent par une démonstration de leur JAAAaaz de maison de retraite. Bien qu’ayant tenté de résister, nous avons du nous avouer vaincus et nous enfuir pendant leurs solos insupportables.

Bertrand Le Saux, Soizig Le Calvez
le 19/04/2006