20/04/2006
Confluences,
Paris
Deuxième soirée pour nous dans le cadre du festival PixelAche, avec aujourd’hui toute la scène expérimentale qui tourne autour d’une ligne Nantes - Tours - Orléans, avec notamment des associations comme APO33 et Phonochrome pour citer les plus connues.
Comme la veille, c’est vers 21h15 que débute le premier concert, avec Larsen Lubin. On hallucinera un peu en voyant l’installation de matériel. En effet, à l’heure où tout le monde joue avec un laptop et/ou quelques machines miniaturisées (sampleur, effets, générateurs d’ondes), Larsen Lubin apparaît entouré de machines, un véritable amoncellement de vieux synthés analogiques, nous replongeant dans les années 70 et les installations scéniques de Jean-Michel Jarre ou Klaus Schulze. On a plutôt un a priori positif, s’attendant à une musique expérimentale sortant des sentiers battus (ici, pas de sons générés par Max/MSP), mais on déchantera assez vite. C’est un peu lent à se mettre en place, entre drone nasillard et basses répétitives sur un tempo lancinant, appuyé par quelques rythmiques ni techno (pas assez binaires ou rentre-dedans pour ça), ni vraiment electronica (pas assez complexes et trop répétitives pour mériter cette appellation). Malgré quelques élans et des sonorités un peu plus dures en fin de set, on restera dans un entre-deux, tiédasse donc, plaisant quelques temps, mais au bout d’une petite demi-heure on lâchera l’affaire.
Enchaînement immédiat avec Opposite Opossum, soit Nicolas Mallet de l’association tourangelles Phonochrome. Le hasard fait que l’on échangera quelques mots avec cet artiste avant le concert, et que l’on évoquera un concert de Ilpo Vaisanen au Batofar. Il se trouve qu’après ce concert, on ne pourra s’empêcher de comparer les deux artistes. Grand, debout, avec une veste beige, triturant quelques machines, même l’attitude nous rappellera le Finlandais. Au niveau de la musique, la comparaison tient toujours : sonorités brutes, basses profondes et bruits crépitants servant tour à tour de percussion ou de texture bruitiste, construisent des grooves mécaniques qui font bien souvent hocher la tête. Efficace donc, mais jamais très longtemps. En effet, les structures changent toujours, et une séquence rythmique se voit vite écrasée par des passages plus abstraits et bruitistes. Un concert pas forcément facile d’accès, demandant à l’auditeur de sans cesse remette en cause son approche de cette musique.
Après une petite pause, on se dirigera vers Nantes et l’association APO33, avec le concert de Julien Ottavi. Là aussi, connaissant un peu APO33 ou le label associé Fibrr Records, on se doute un peu que l’on va se trouver dans le registre des musiques sérieuses. Les premières secondes nous conforteront d’ailleurs dans ce sens, avec le Nantais debout au milieu de la salle, un laptop posé sur un tonneau métallique, diffusant des sons à un niveau sonore extrêmement bas. A posteriori on se dira peut-être qu’il s’agissait de sons inaudibles puisque petit à petit, en dehors du souffle des enceintes, on perçoit des infrabasses oscillantes. Minimalisme extrême et envoûtant, régulièrement enrichi de nouvelles sonorités liées à des transformations de ce matériau de base. Légère saturation, ronronnements, drones qui se croisent, s’emmêlent pour monter tout doucement, imperceptiblement, vers les aigus. La tension monte, des souffles fusent ou se prolongent en une fine texture bruitiste, de plus en plus aride, voire stridente. Coupure nette, retour aux infrabasses.
Si le concert fut envoûtant de part sa lente évolution et le choix des sonorités utilisées, il était aussi prévisible de part sa construction. En effet, dès le début on se doute de cette montée à venir et d’une éventuelle explosion finale, le concert perdant alors un peu de sa force.
C’est à peu près dans l’indifférence générale que débutera la performance de Benjamedia, ici sous forme d’un duo, membre de l’association Labomedia. Indifférence parce qu’après le concert de Julien Ottavi, apparemment difficilement supportable pour certains, tout le monde est parti faire une pause au bar. Indifférence peut-être aussi pour ceux venus ici pour des concerts alors que Benjamedia proposait une performance tout autant (voire même plus) visuelle que sonore. En effet Labomedia peut être considéré comme un équivalent de APO33, orienté recherche liée aux nouvelles technologies, mais peut-être plus proche du multimédia dans son ensemble (image + son) que de la musique à proprement parler. Leur installation qui parait compliquée, mêlant ordinateurs, moniteurs de contrôle, caméras et instruments plus classique truffés de capteurs, un grand écran sur lequel on devine des croisements de patchs Pure Data, font passer ce duo pour des nerds plutôt que des artistes. Dans le même ordre d’idée, la performance sera plus considérée comme une expérimentation, voire une démonstration des possibilités de travail en temps réel, d’interaction son/image, que comme une véritable performance artistique. C’est un peu dommage, mais on aurait certainement préféré voir Benjamedia lors d’un atelier Pure data, mêlant démonstration et explications techniques, que lors de cette performance.
La soirée se terminera avec My16, soit Stéphanie Letaconoux de l’association Phonochrome. En concert, l’effet de surprise joue un rôle important dans l’appréciation que l’on peut avoir du spectacle. L’esprit non préparé se trouve être la proie de l’artiste qui se produit. Or la surprise fut ici de taille.
Une diffusion pour commencer, field recording de bord de mer avec les mouettes et la sirène d’un bateau, annonçant le début de concert, rameutant le public épars et peu nombreux à cette heure avancée de la soirée. Stéphanie nous remercie d’être resté, et annonce un peu de sensibilité féminine pour clôturer effectivement une soirée très masculine. Mais cet avertissement, c’était pour se jouer des idées reçues et brouiller les pistes. Début du concert : monstrueuse texture noise. Monstrueuse mais magnifique. Le son est énorme, ample, nous enveloppe, et ce que l’on prenait d’abord pour une grosse texture était en fait le mélange d’un drone et d’un souffle grésillant, soit un mélange de douceur, d’une simple vibration (le drone), et d’une agression sonore (le souffle aride). Des filtres se coupent, provoquant des cassures sur un fabuleux final bruitiste granuleux. Il s’est passé a peine 10mn, on pense qu’il s’agissait du bouquet final de la soirée, mais ce n’est que le premier morceau.
Grosse surprise encore avec le deuxième titre, peut-être le plus "joli", surprenant, uniquement construit sur des voix scandées, répétitives, dures, déformées, saturées, qui se superposent. On pense à une société future, totalitaire, la voix donne l’impression d’être diffusée dans les rues, la répétition fait penser à un lavage de cerveau, à des slogans dont on serait martelé. La encore la voix saturée s’éclaircit quelques temps pour saturer de plus belle ensuite. C’est dur, extrêmement violent, un véritable coup de poing.
On passera sur quelques textures bruitistes manquant de relief pour arriver à l’utilisation de la voix, enfin... des cris stridents dans un micro, mêlé à des grésillements de machines. Parfois des choeurs semblent apparaître, une texture bruitiste s’étiole en un drone métallique, des fractures répétitives ébauchent une rythmique et c’est dans ces moments que la magie opère. Malheureusement, sur le dernier titre, une sorte de musique de film rétro, Larsen Lubin fait son apparition, terminant ce concert en eau de boudin.
En guide de conclusion, tous les artistes de la soirée tenteront de jouer ensemble, mais on n’arrivera à rien de très convaincant. On gardera donc en mémoire les performances individuelles de chacun de ces artistes.
le 26/04/2006