Dérapages #1 : V/VM / Critic "plays standards" / Spade & Archer

 date du concert

24/05/2006

 salle

Café de la Danse,
Paris

 tags

Andrew Sharpley / Café de la Danse / Festival Dérapages 2006 / V/Vm

 liens

V/Vm
Café de la Danse

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Après la soirée un peu isolée du 13 mai avec Four Tet et Steve Reid, nous abordons ici le concentré du festival Dérapages se déroulant sur cinq jours. On commençait ici avec une des dates les plus difficiles, sans véritable tête d’affiche, mais avec V/Vm et sa pop bruitiste, et Critic "plays standards", trio formé de Noël Akchoté, Andrew Sharpley et E-Da.

La soirée débute avec le duo français Spade & Archer, dont la musique était qualifiée de trip-hop industriel. On part donc sur un a priori plutôt positif, le mélange nous paraissant relativement hors du commun. Le concert vient de commencer quand on entre dans la salle, et on est tout d’abord agréablement surpris par la mise en scène apparemment étudiée : projections sur un écran en fond de scène, peu d’éclairages mais ciblés, le tout traduisant bien l’univers sombre du groupe sans perdre de vue la dimension esthétique.
Sur scène ils sont en fait trois, avec un chanteur-MC, trafiquant sa voix qui se mêle à la musique pour ne former plus qu’un, sous forme de grognements murmurés. Du trip-hop on retrouve le tempo, plutôt lent et un peu lourd, de l’industriel les ambiances sombres, moites, mais on bascule régulièrement vers un véritable hip-hop quand le chanteur se lance dans des textes plus facilement compréhensibles.
Malheureusement la fusion n’opère jamais vraiment. Parfois trop brouillon, parfois la batterie trop en avant, les boucles électroniques prévisibles, on a un peu l’impression de voir trois personnages camper sur leur position sans réellement parvenir à former un tout cohérent.

On passe ensuite à V/Vm que l’on n’avait pas vu depuis 2002. Sur le fond bien sûr, pas de véritable changement : un concert sous forme de caricature de la culture pop des années 80, avec des tubes d’époque torpillés un à un. Sur la forme par contre pas mal de différences. Le duo est devenu solo, et le déguisement intégral n’est plus qu’un masque, toujours ce même masque de cochon. V/Vm commence déjà par s’excuser pour ce que l’on va devoir subir, et prévient qu’il va commencer par un morceau noise pour réveiller tout le monde. Début sympathique donc, et puis il enchaîne sous forme de karaoke. Les tubes pop s’enchaînent, pas ou peu transformés, il fait semblant de chanter par dessus, se lance dans d’improbables chorégraphies, caricatures des versions originales, mais donnant aussi l’impression de ne pas (plus ?) y croire. Seul sur une trop grande scène qu’il parvient toutefois à occuper, une salle également trop grande avec un public épars alors qu’il aurait fallu que tout le monde soit sur le devant de la scène pour l’encourager. V/Vm est alors absent, au sens figuré comme au sens propre, laissant son laptop faire le travail pendant qu’il va chercher une bière, réapparaissant toujours comme une star, soutenu par quelques fans. Il se roulera par terre aux pied du public, mettra tout le monde d’accord avec l’Ouragan de Stéphanie de Monaco qu’il coupera bien évidemment en plein refrain, mais on préférera toujours ses véritables piratages sonores, quand il passe ces tubes à la distorsion. Malheureusement ceux-ci seront trop rares ce soir.
Un set en demi-teinte, sentiment largement provoqué par cette impression qu’il nous donna de ne pas croire véritablement à ce qu’il faisait, confronté à la difficulté de la situation (trop grande salle, public pas forcément acquis, etc...).

On terminera donc avec le trio formé par Noël Akchoté, Andrew Sharpley et E-Da. Commençons par les présentations, avec Noël Akchoté d’abord, à la frontière entre le jazz et le rock, avec pour dénominateur commun l’improvisation. Collaborations avec Derek Bailey ou David Grubbs, fondateur du label Rectangle. Andrew Sharpley ensuite, expérimentateur électronique, déjà vu en concert au sein des formations Dummy Run ou Stock, Hausen & Walkman, et jouant également sous le nom Ae. E-Da enfin est japonais, principalement connu en tant qu’ex-batteur des Boredoms et actuellement actif au sein du duo Pap a Rapper.
On s’inquiète un peu avec un début de concert plutôt joli, mais guère inventif : guitare flottante trop en avant, percussions improvisées éparses, et électronique inaudible, faisant perdre du coup un peu l’intérêt d’une telle rencontre. Et puis les choses se mettent en place pour obtenir de très bons moments. Si l’on omet quelques envolées de Noël Akchoté et une électronique parfois mal maîtrisée, le trio s’équilibre et prend tout son sens quand Andrew Sharpley vient enrichir la rythmique, poser quelques notes justement dosées, ou utiliser sa voix sur un magnifique morceau. Une longue pièce d’abord hésitante avec Akchoté frottant le corps de sa guitare, E-Da ponctuant cette intro d’une rythmique épurée, s’élevant tout doucement vers un rock envoûtant aux intonations tribales.
Étrangement, on pensera parfois au concert de Four Tet et Steve Reid dix jours plus tôt dans cette même salle. Ici aussi électronique et acoustique se devaient de fusionner, mais si Four Tet un peu coincé derrière ses machines dirigeait le set avec Steve Reid qui improvisait par dessus, ce soir le trio ne formait vraiment qu’un seul et même groupe, Andrew Sharpley semblait plus libre et plus à même de s’adapter au jeu de ses comparses.
Un très bon concert, joli trio, toujours à cheval entre efficacité et expérimentation, entre rock et jazz, se révélant au final intéressant de bout en bout.

Fabrice ALLARD
le 25/05/2006

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