du 22/09/2024 au 15/12/2024
Crédac,
Ivry-sur-Seine
Une exposition, ce sont évidemment des œuvres montrées au public, mais ce sont aussi une manière de les accrocher et un parcours pour les présenter. Avec Correspondances. Lire Angela Davis, Audre Lorde, Toni Morisson, voici une belle démonstration qu’il est impératif que ces trois volets s’articulent intelligemment. Dès l’intitulé de cette proposition automnale du Crédac, l’ambition est donnée : mettre en lumière trois figures afro-américaines, engagées et féministes. Les « correspondances » annoncées ne sont pas forcément celles entre ces trois écrivaines, mais plutôt entre leurs travaux et des œuvres d’art plastique ou vidéos, aux résonances trouvées par l’historienne et professeure Elvan Zabunyan, co-commissaire de l’exposition avec Claire Le Restif, directeur du lieu ivryen.
La nécessaire mise en contexte des trois autrices impose au visiteur de débuter, dans la grande salle du Crédac, par leurs portraits photographiques (par Joan E. Biren et Jill Krementz), comme par la possibilité offerte de s’asseoir sur quelques modules en bois pour prendre connaissance d’archives les concernant. Le propos se montre alors un peu aride, à l’image des fleurs séchées de l’herbier de Paula Valero Comín ou de l’installation concoctée à partir d’un filet de pêche par Annouchka De Andrade & Mathieu Kleyebe Abonnenc. En passant en salle 2, le discours général commence à prendre chair, avec des photos dans lesquelles les trois Étatsuniennes sont montrées dans leurs activités militantes, tandis qu’au mur, Pope.L expose des serviettes de toilette encadrées sur lesquelles ont été dessinés des pendus, écho des sévices subis par la population afro-américaine.
Enfin, dans la salle 3, on rencontre de véritables incarnations ainsi qu’une réflexion sur le corps et l’émancipation, dans la continuité des écrits des trois autrices. Une vidéo en diptyque de Paul Maheke montre des adolescents en train de danser pendant qu’en face, un écran projette la fameuse scène du Bande de Filles de Céline Sciamma où, dans une chambre d’hôtel, les quatre copines dansent sur le Diamonds de Rihanna, habillées de robes de soirée piquées dans un magasin et éclairées par une lumière bleue du plus bel effet. Au centre de la salle, ce sont des corps absents qui sont rappelés (ceux des esclaves à qui on faisait porter une lanterne pour rester visibles) avec la très belle double sculpture Glow de Kapwani Kiwanga. Particulièrement pertinente, et aboutissement du cheminement de l’exposition, cette salle contient aussi, à l’image des deux précédentes, quelques travaux de jeunes du Collège Danielle Casanova de Vitry-sur-Seine, qui ont été invités, l’an passé, à travailler à partir des enjeux portés par les trois figures tutélaires de cette exposition. Évidemment moins professionnels que les réalisations des artistes plasticiens, leurs rendus s’intègrent pourtant correctement dans ce parcours aux visées didactiques.
le 04/10/2024