Voir le Temps en Couleurs

 date

du 13/07/2024 au 18/11/2024

 salle

Centre Pompidou-Metz,
Metz

 appréciation
 tags

Centre Pompidou-Metz / Dove Allouche / Gerhard Richter / Hans-Peter Feldmann / Hiroshi Sugimoto / Stephen Shore

 liens

Centre Pompidou-Metz

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Avec son envie de retracer l’histoire de la photographie depuis son invention, son positionnement dans l’ensemble de la Galerie 2 du centre Pompidou-Metz, son éclatement en dix-sept salles et sa division en trois séquences (malicieusement intitulées « Voir », « Le Temps » et « En Couleurs »), Voir le Temps en Couleurs s’avance comme un large panorama du medium considéré. Abandonnant vite toute envie d’exhaustivité, prêt à suivre les partis-pris de Sam Stourdzé (commissaire de l’exposition, à la légitimité certaine en qualité d’ancien Directeur du Musée de l’Élysée de Lausanne et des Rencontres d’Arles), le visiteur peut ainsi se laisser guider dans un parcours mêlant cheminement chronologique et angles thématiques.

Ann Veronica Janssens - Untitled (Corps Noir)
(courtesy Centre Pompidou-Metz)

L’ouverture laisse une large part aux travaux noir et blanc, avec quelques épreuves historiques, mais aussi des œuvres beaucoup plus contemporaines, et un savant mélange entre photographies et autres créations plastiques. Les percées, perspectives et cadres dans le cadre d’Hiroshi Sugimoto renvoient ainsi aux diapositives de Constance Nouvel et à la technique ancestrale de la camera obscura, pendant que le miroir noir concave d’Ann Veronica Janssens reflète imparfaitement la réalité, comme le fait Abelardo Morell avec son vinyle de Manhattan à l’envers, placardé en majesté. Dans une petite salle qui suit, l’installation d’Hans-Peter Feldmann, entre petit théâtre d’ombres chinoises et réflexion sur le medium (Shadow Play (Paris)), témoigne bien de cette porosité entre les disciplines.

Le dialogue par-delà les époques se prolonge avec le voisinage de copies de La Joconde, de détails photographiés d’autres œuvres de Léonard de Vinci ou de Sandro Botticelli, et d’une création de Dove Allouche (Repeint_29) dans laquelle il saisit, en macrophotographie, trois pigments de Vinci. La photographie est, par ce biais, utilisée tel un support documentaire, comme le fait Constantin Brancusi avec ses séries sur sa célèbre Colonne sans Fin de Voulangis, son Oiseau dans l’Espace ou ses prises de vue de son atelier.

La photographie peut aussi révéler ce qui est masqué, difficilement perceptible (sédiments chez Dove Allouche) ou ce qui échappe au commun des mortels : sommet du Mont-Blanc par Louis-Auguste et Auguste-Rosalie Bisson, infini de l’espace par Thomas Ruff (bien que l’accrochage ne donne pas suffisamment de recul pour correctement appréhender ces très grands formats de points blancs épars sur fonds noirs) ou vues de la Lune à l’occasion de la mission Apollo. À cet égard, et alors que les différentes facettes de l’art photographique semblent bien présentées, il nous paraît manquer une réflexion sur le statut des images, une interrogation (ou, à tout le moins, une mise en perspective) sur la réalité des images exposées.

Berenice Abbott - Multiple Exposure of Bouncing Golf Ball
(courtesy Centre Pompidou-Metz)

Saisir en photographie, c’est également s’emparer du temps, que ce soit le temps long de la pose, mais aussi le temps ultra-court de l’instantané, lorsqu’il s’agit de capter le mouvement : ces balles de pistolet qui traversent un ballon de baudruche, une carte à jouer ou une pomme chez Harold Eugene Edgerton, sa fameuse et superbe Milk Drop Coronet ou bien la série Jumpology de Philippe Halsman. Plus encore, la photographie permet de combiner ces deux temporalités par l’entremise du stroboscope, le jeu sur les multiples et la superposition de plusieurs vues rapprochées par Berenice Abbott.

Avec l’introduction de la couleur, la distance à notre présent s’estompe subitement, dans ce régime du tout-écran qui est le nôtre ; les clichés des États-Unis par William Eggleston, Stephen Shore et Joël Meyerowitz, dont le chromatisme éclate, se mettent ainsi au service d’une peinture de ce pays (voiture, congélateur, station-service), dont l’aspect fantasmé est, depuis les années 1970 d’où nous viennent ces photos, largement obsolète.

Comme si le tour avait été fait pour ce qui concerne la représentation de la réalité, le parcours se clôt avec des gestes esthétiques plus appuyés, plus formels, opérant soit sur le support directement (Ciba #16 de Laure Tiberghien, tirage déformé sous l’effet des sels), soit autour du flou et du net : une bichromie de Sugimoto (mer et ciel qui se rejoignent dans une sorte de vapeur éthérée) et de multiples épreuves de Gerhard Richter.

François Bousquet
le 08/11/2024

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