Moskitoo

Petite infidélité à 12k pour Moskitoo, qui, au moment de publier son troisième album solo, quitte, en effet, le label new-yorkais pour Headz, structure japonaise déjà familière des proches de la jeune femme pour avoir accueilli des disques de FilFla ou FourColor. D’ailleurs, Keiichi Sugimoto opère ici au mix, à la guitare électrique sur un morceau et au remix sur un autre. Pour le reste, Moskitoo agit en solitaire, entourée de tous ses instruments (Glockenspiel, boîte à musique, guitare) et machines électroniques, destinées à intégrer nappes, rythmiques et captations diverses.

Comme l’intitulé de l’album l’annonce de manière possiblement trop programmatique, il est ici question de poésie chantée, interprétée par la douce voix de Sanae Yamasaki, très bien équilibrée avec les apports musicaux et instrumentaux. Ces derniers, dans la continuité de la progression constatée à l’occasion de Mitosis, précédent long-format de la Japonaise, paru en 2013 (!), savent se faire plus grésillants, plus acérés ou plus bouillonnants, frôlant la techno minimaliste par endroits (si Evvve contenait, par exemple, quelques pulsations en son sein, on serait en plein dedans). Mais ils peuvent également naviguer dans des eaux plus douces et caressantes, avec mélodies identifiables et suavité d’ensemble (Salvaged Dream).

Vocalement, les interventions de Sanae Yamasaki se montrent généralement assez assurées (comme lorsqu’elles se trouvent face aux traits enveloppants de la guitare de Sugimoto, sur Gii) mais, certaines fois, pâtissent d’un traitement qui étire sa voix et la rend presque pâteuse (Words Wardrobe). Cette voix démontre un intérêt tout autre quand elle lâche juste des bribes de texte, façon éléments électroacoustiques, impeccablement assortis aux matériaux instrumentaux sollicités par ailleurs (Dewdrop) ; schéma assez voisin (voix fragmentée, lâchant quelques syllabes, et instrumentation réduite à l’os) dans le remix de Nunc par Keiichi Sugimoto, manière pour Moskitoo de proposer, au sein même de son disque, une réflexion sur son propre travail.

François Bousquet
le 05/12/2024