du 01/11/2025 au 14/04/2025
Centre Pompidou-Metz,
Metz
Adepte du travail au néon (ces pages avaient pu relater sa participation à Néon. Who’s afraid of red, yellow and blue ?, exposition collective donnée en 2012 à la défunte Maison Rouge), Cerith Wyn Evans se voit offrir la totalité de la Galerie 3 du Centre Pompidou-Metz pour y installer plusieurs créations récentes, et jouer de la perspective, comme du dialogue avec la cité lorraine. De fait, les deux extrémités de l’espace sont dotées de baies vitrées donnant sur l’extérieur et, le matin où nous étions présents, le lieu, exposé sud-sud-est/nord-nord-ouest, se trouvait baigné de soleil. Assurément, cela permettait de bien voir le paysage messin et de reproduire l’idée d’écho entre ville et œuvres, mais cela a aussi un peu parasité notre perception des sculptures lumineuses : visiteur ébloui par le soleil, lumière qui se reflète sur le verre ou scintille sur les miroirs étalés sur toute la longueur des grands murs latéraux, etc… Or, déjà, par principe, les interactions (pas forcément volontaires) sont nombreuses avec cette disposition tout en longueur (difficile d’occulter certaines créations et d’isoler, avec cette longue perspective, son regard vers l’une ou l’autre) et ces sons qui s’entremêlent.
Notre souvenir de la visite à l’antenne parisienne de la galerie Marian Goodman remonta alors, avec une forme de mini-regret en comparaison de cette présentation donnée il y a deux ans, et ses nombreuses œuvres en commun avec celle de Metz, mais qui bénéficiait du fait d’être exposée en partie dans un sous-sol aveugle. Pour autant, cette impression fut contrebalancée par la cohérence du geste et des motifs de l’États-Unien qui, avec ses sculptures en néon et ses installations en verre, joue pleinement sur le rapport fond-forme. Il fait ainsi coexister créations géométriques très maîtrisées (la magnifique série Neon after Stella, sorte de reproduction des peintures de Frank Stella dans lesquelles les pleins et vides des rayures sont figurés par les bandeaux néons et leurs interstices) et tracés plus proches du graffiti ou de la captation de mouvements (ensembles Metz Drift et Neon Forms (after Noh)). De même, le caractère très blanc et transparent, presqu’immatériel, de toute l’exposition, éclate avec les couleurs des néons, la limpidité des verres, l’argenté de l’aluminium utilisé dans Sounding Felix (Paris 8 Assemblage) et la clarté du plexiglas des fauteuils « Louis Ghost » de cette même installation.
Le tribut payé par Cerith Wyn Evans à ses prédécesseurs nous avait déjà marqué par le passé et on retrouve, ici, des liens avec Marcel Duchamp (la série …take Apprentice in the Sun part d’une photo de Roue de Bicyclette, les parebrises éclatés de voitures rappellent les brisures faites au Grand Verre) et Frank Stella, donc. Mais, au-delà de ces plasticiens, l’États-Unien déploie, à Metz, des propositions dialoguant avec des musiciens ou des philosophes, sources auxquelles s’abreuvent Pli S=E=L=O=N Pli (composition de panneaux de verre transformés en haut-parleurs, dont l’intitulé renvoie à Pierre Boulez) ou Sounding Felix (Paris 8 Assemblage) (créée à l’occasion d’un colloque dédié au philosophe Félix Guattari).
Les créations témoignent également d’une forte volonté animiste (un peu trop soulignée, au reste, dans les documents de salle) avec ces œuvres sonores qui paraissent respirer ou réagir à la présence du public, lequel peut aussi, chose suffisamment rare pour être soulignée, s’en approcher très près, voire pénétrer certains ensembles (Pli S=E=L=O=N Pli). Cette faculté offerte au visiteur confirme la dimension « expérientielle » de Lueurs empruntées à Metz, nouvelle très bonne raison de se rendre dans l’institution lorraine.
le 07/02/2025