05/04/2025
Lieu Unique,
Nantes
Dans ce samedi après-midi enchaîné au Festival Variations, heureusement que la prestation de 16h débuta avec un peu de retard, car cela permit de parcourir les hectomètres séparant la Chapelle de l’Immaculée du Lieu Unique sans rien manquer des concerts. Après le piano à queue de Raphael Loher dans le lieu sacré, c’est un piano droit qui était installé, côté jardin, sur l’estrade de l’Atelier 1 du Lieu Unique. Cara Tivey s’y assit tandis que Deb Googe (bassiste fondatrice de My Bloody Valentine) se tenait, côté cour, debout avec sa guitare.
Pendant une quarantaine de minutes, les deux Anglaises livrèrent une alternance d’instrumentaux et de morceaux chantés, en peu de mots, noyés sous les effets et instrumentations. Quelques notes de piano, une guitare souvent jouée à l’e-bow, des rythmiques programmées et une seconde guitare pré-enregistrée constituaient les ingrédients d’un ensemble prenant et bien équilibré entre les deux instruments joués en direct. Des climats sombres et épais, capiteux mais envoûtants, étaient ainsi mis en place, le piano apportant une touche à la fois inquiétante et claire, au soutien de voix quasi-détimbrées.
Derrière da Googie (pseudonyme de Deb Googe) et Cara Tivey, des projections montraient des figures géométriques (mandalas notamment) ou bien des fonds marins, dans des formes assez raccords avec les propositions musicales. Même grattée, la guitare restait ainsi nimbée d’effets cotonneux, créant une sorte de continuum très identifié shoegaze, mais en plus lointain et plus contenu à la fois. Dans un set terminé par November New, on put regretter que les morceaux, assez courts, ne fussent pas joués par séries de deux ou trois, schéma qui aurait permis une immersion encore plus forte.
Pour terminer cette journée de découvertes totales, on retourna au salon de musique pour une fantaisie d’une petite demi-heure, avec la présentation de deux pièces, séparées en une demi-douzaine de mouvements, de Meara O’Reilly, compositrice amatrice de « hoquets », ces créations purement vocales, venues du Moyen-Âge, et dans lesquelles de très brèves onomatopées sont chantées, à tour de rôle et de manière syncopée. Ici interprétées par Linnea Sablosky et Mingjia Chen, Hockets For Two Voices et Hockets For Two Flutes (mais donnée aux voix également) témoignèrent d’un grand travail sur le souffle et la manière de poser la voix ou de jouer sur les silences.
Sourire aux lèvres, se déplaçant pour suivre leurs grandes partitions, se donnant respectivement la note avant d’entamer chaque court titre, balançant leurs corps en cadence, les deux jeunes femmes livrèrent, simplement munies de leurs micros, une prestation enthousiasmante et fortement sympathique. Si le rendu pouvait paraître proche de l’exercice de style (ou d’échauffement), il fallut saluer la réinvention d’un geste baroque, comme relever la forme de jeu vite instauré avec le public (on essayait de repérer qui chantait quoi, on tâchait de suivre un semblant de mélodie), mais aussi entre elles deux (façon « la première de nous deux qui rira… »).
le 12/04/2025