25/04/2025
Le 104,
Paris
Pour cette soirée de l’INA/GRM qui affichait complet (comme celle du lendemain, d’ailleurs, à laquelle nous n’avons pas assistée), quatre séquences musicales étaient, comme de coutume, proposées, dans la disposition traditionnelle de l’atelier du 104 : scène centrale, public installé en quadrifrontal et acousmonium placé au centre et en périphérie.
En ouverture de plateau, on était très intéressé par la rencontre entre Anja Lauvdal, pianiste suivie comme membre de Moskus, et Manja Ristić, violoniste et artiste sonore serbe. Après quelques soucis techniques, cette dernière put lancer, depuis ordinateur et machines, quelques nappes avant de s’emparer d’ustensiles divers pour agrémenter son propos : objets frottés, comprimé effervescent plongé dans une carafe d’eau, souffle d’un petit poste de radio, coquillages manipulés, bobine électrique, etc... Il en résultait crépitements, bruissements, perturbations et vibrations, tous mis en regard des notes claires et divagantes du piano électrique de la Norvégienne, capable aussi de passer à un instrument plus électronique, pour des notes aux atours plus cotonneux. Attrapant son violon pour quelques instants, Manja Ristić le joua en cordes frottées à l’archet, en open tuning, pour ajouter un apporte plus organique à leur From Island To Island. Marquées par une belle ampleur du son et un très bon équilibre entre les deux jeunes femmes, ces vingt minutes s’avérèrent très convaincantes.
Après avoir laissé rentrer les quelques retardataires (l’accès à la salle étant, heureusement, impossible lorsqu’un concert se déroule), Michael Vallera put livrer Flood, suite pour guitare électrique. Joué sur ses cordes graves au début, étouffées et mises dans le lointain par le traitement sonore, l’instrument fut ensuite utilisé dans ses médiums et aigus, avec force delay (on compta quasiment deux secondes entre le jeu et l’écoute des notes), avant de conclure le set par des arpèges sur des accords véritablement placés à la main gauche. On le constata donc : l’ensemble était bien construit, mais on y resta extérieur. La faute à un son possiblement trop (con)centré, ou à une forme d’application qui conféra trop au sérieux ? Difficile à dire, mais on se rabattit sur l’éclairage avec ses quatre tubes néons montés sur les haut-parleurs à six branches souple positionnés aux quatre coins de l’estrade, accompagnés de spots bleus tombant en douche depuis les cintres.
Intervenant après l’entracte et depuis la console, Amina Hocine rendit compte de son travail sur le « Foghorn Organ », orgue créé de ses propres mains, à partir de gros tuyaux en PVC. L’air inspiré, voire pénétré par sa musique, regardant souvent vers le plafond, la Suédoise distilla des nappes ondoyant doucement et jouées en fondus en entrée. Capable de pousser ses tranches assez fort à un moment, comme pour tester la réponse et le rendu de l’acousmonium, la jeune femme donna son X3 peut-être trop d’un seul bloc, sans nuances ni différenciation, dans une progression qu’on pressentit bien vite. Pour autant, avec sa bonne maîtrise et son implication, elle fut une bonne révélation de cette soirée.
Têtes d’affiche de la soirée, Leila Bordreuil et Drew McDowall répondaient à l’invitation du GRM en familier de la structure, pour s’être déjà produits par le passé dans l’une de ses manifestations. Après un début où les deux musiciens étaient aux laptops et machines, pour un jeu sur les fréquences à la limite du larsen, ainsi que des notes tenues, vint l’entrée du violoncelle de la Franco-Étatsunienne. Tenu à bout de bras tendu, tandis que son autre main continuait de manipuler sa petite table de mixage, l’instrument se trouvait éloigné puis approché du corps de la jeune femme, dans un mouvement invitation à un travail sur la rétroaction sonore (rendue possible par le positionnement d’un micro près de son tendeur). Dans la seconde moitié du set, quand Leila Bordreuil se saisit d’un archet, et opéra par mouvements amples et longs aplats, relayés par son comparse qui les samplait et les superposait, le violoncelle prit un aspect plus gracieux et profond. Enfin, façon musique contemporaine, elle put donner des à-coups dans les aigus, jouant à mains nues près du chevalet, pendant que des sons électroniques accordés sortaient des machines.
le 28/04/2025