V/A

Grosse surprise en début d’année avec l’arrivée de cette compilation dans notre boite aux lettres, éditée par le label Tsunami Addiction, en dormance depuis quelques années mais réactivé en 2023 par Anthony Keyeux (Hypo) avec la sortie de Oven Penus, son dernier album en date. En regardant vite fait le tracklisting, on repère quelques noms qui nous font comprendre que l’on sera en partie en terrain connu, tout en réservant de nombreuses découvertes.

C’est d’ailleurs à notre sens une des grandes forces de ce disque. Ayant l’impression d’avoir un peu pris nos distance avec cette scène parisienne bouillonnante du début du siècle (ouille !), notamment autour des labels Active Suspension, Clapping Music, Lentonia et Tsunami Addiction, on a un peu l’impression de retrouvailles, tout en constatant l’évolution, la maturité aussi. La preuve en est la cohérence d’ensemble, alors qu’avec ses 12 artistes distincts pour 14 pistes, le risque de disparité était grand.
Puisque le disque débute avec EDH (Emmanuelle de Héricourt), commençons par les noms connus. Le voyage commence au Japon avec le suggestif Kotoish de EDH qui croise mélodie épurée de cordes pincées et bruitages instillant une ambiance mystérieuse et inquiétante. Plus tard ce sont Hypo & Kumisolo qui poursuivent l’excursion asiatique avec Watashi Tachi No Chikyu, une ballade contemplative faite d’orgues, vocalises et claquements de bois, avant qu’EDH ne revienne avec Master Lump et un voyage dans le temps cette fois, avec ses mélodies de flutes moyenâgeuses. On n’a jamais vraiment suivi le travail de La Chatte, trio croisé lors ce quelques concerts qui nous avait marqué en live pour sa musique festive et un chant atypique que l’on retrouve ici avec un Sur le Fil désenchanté. Le disque se termine non pas avec O.Lamm, mais bien O.Lamm (c’est fini), suggérant peut-être que ce Carrer Del Baluard serait son dernier titre. Il s’agit là d’une manipulation de field recordings dans une rue d’Espagne (a priori), avec mélodie de klaxons et voix diverses parmi lesquelles s’extirpe justement un "C’est fini ?".

Dans l’ordre, parmi les "nouveaux venus" on trouve d’abord Zomigdodo qui par deux fois manipule des samples de flûtes. On retiendra surtout son Premier Flutiau un peu mystérieux, et qui semble venu d’une autre planète. De belles surprises ensuite avec Needle Perk, une sorte de cold-wave rythmées de click’n cuts signée Mâtin, puis An Insistence de Jon Sheffield (responsable du label Powdered Hearts Records ayant signé 2 albums de Hypo dans le passé) qui lorgne vers une electronica lo-fi au tempo mesuré.
Autres excellentes découvertes, la mystérieuse Tchaïkovskid qui, avec La Danse du Café, reprend son maître en version piano, avec forte reverb et bruitages ambiants puis Carradot et son Floris Wyatt dans un tout autre registre, avec une électronique dense, étouffante, et des vocaux triturés, à la fois doux et dérangés. L’enchaînement est ici fluide avec les Reflections de Midori Hirano qui prennent la forme de rapides circonvolutions de claviers grésillants et d’envolées mélodiques tout en légèreté.
Pour terminer, Eliane Blaise qui travaille sous le nom cryptique de ǽfv et qui après une longue intro plutôt expérimentale, articulée autour d’un spoken word scandinave, décolle vers une électro franche, rythmique lourde, basses tournoyantes, notes mélodiques étincelantes et voix feutrée teintée 80s sur ce (Life) Afterwards. C’est justement en Scandinavie que ce termine notre voyage, en Suède précisément avec le Riptide de Sanna Mara qui opte pour le son beaucoup plus aride d’un duo guitare/batterie, mais qui nous fait décoller grâce à sa voix et son approche pop.

Une excellente compilation, finalement assez éclectique sur la forme puisque l’on y croise des field recordings, des rythmiques électroniques, des mélodies pop, des expérimentations contemporaines et une attache parfois aux années 80, mais qui reste cohérente sur le fond, cherchant en permanence à allier exigence formelle et plaisir immédiat d’une musique "pop".

Fabrice ALLARD
le 05/05/2025