du 06/04/2025 au 29/06/2025
Crédac,
Ivry-sur-Seine
Crédac / Daniel Steegmann Mangrané / Simon Boudvin / Tony Matelli / Yto Barrada
Visiter une exposition d’œuvres résilientes face aux crises climatiques un jour de canicule a quelque chose de tautologique et/ou révélateur. Dans les salles surchauffées du Crédac (le lieu ivryen, ancienne usine, tout de briques et d’acier, n’est pas exactement conçu pour des températures dépassant les 30°C), vingt artistes livrent ainsi leur regard sur notre monde et le vivant qui l’habitait avant nous, réunis sous un intitulé qui fait le pont avec l’exposition personnelle de Derek Jarman, donnée au Crédac il y a quatre ans (Modern Nature étant le titre du journal intime du Britannique). Sobre et aérée, Une Nature Moderne peut se lire en regroupant les propositions sous trois grandes catégories, pas forcément exclusives l’une de l’autre, mais qui permet un compte-rendu organisé.
Certains plasticiens documentent, ainsi, les bouleversements climatiques, à l’image des sculptures en bois de Daniel Steegmann Mangrané qui insère des yeux de verre dans les nœuds de morceaux de chêne, en hommage à un chêne tricentenaire catalan récemment disparu. Moins directement, Noémie Sauve retrace, sur des dessins au fusain sur papier, les pratiques agricoles dans la Manche, ou les effets d’un volcan sur une île de Sicile, témoignages de gestes qui ont dû évoluer avec la crise climatique ou de la forme de résistance de la nature (mais qui peut être aussi vu comme une accélération des manifestations volcaniques, en raison de l’action de l’homme). Dans cette même logique, Suzanne Husky dispose des éoliennes en arrière-plan de sa tapisserie Les Oiseaux semant la vie, plutôt destinée à montrer arbres et oiseaux.
D’autres artistes font le choix, face à de telles situations, de recréer un écosystème, comme l’avait fait Derek Jarman dans son jardin, photographié par Howard Sooley. Guillaume Aubry et Léa Muller et Sophie Kaplan s’attachent, pour leur part, à se rapprocher de la forêt pour y trouver un refuge et un rapport au vivant plus équilibré : le premier y a installé une maison en « A » dans laquelle il vit dorénavant et dont il nous montre la maquette, les secondes développent, en Bretagne, la sylviculture. Pour Kenza Brand, il s’agit de partir de la poussière d’argile pour la transformer en compost en y ajoutant du terreau, manière de trouver de nouvelles ressources, moins consommatrices.
Quelques créateurs agissent de biais, introduisant la nature dans d’autres lieux et supports, plus ou moins subtilement. Déjà vues précédemment, les petites herbes invasives de Tony Matelli, réalisées en bronze et placées au pied des murs, permettent d’imaginer que la nature peut reprendre le dessus, comme le laissent penser les renards trouvés dans Bruxelles et dont Simon Boudvin cherche la trace dans une vidéo. La longue série photographique de David Horvitz le voit transporter, dans le creux de sa main, le même gros caillou d’un lieu à l’autre du monde, au gré de ses déplacements, afin de le confronter à des environnements inhabituels, comme peut le faire le Slow Bird de Lin May Saeed, sculpture à l’échelle 1 d’un oiseau entre cormoran et grue, qui trône au milieu d’une des salles. Enfin, dans un geste plus abstrait, Yto Barrada croise très intelligemment modernisme plastique et culture de plantes tinctoriales dans une œuvre textile où les formes géométriques structurées rendent hommage à Frank Stella.
le 01/07/2025