15/09/2025
Petit Bain,
Paris
Trois ans après le premier album de caroline, le suivant (sobrement intitulé caroline 2) continue d’avoir les faveurs de la presse papier (des pleines pages dans des titres généralistes) et d’attirer un public de plus en plus large. De fait, leur concert parisien s’est trouvé complet deux semaines avant sa tenue et ce fut donc dans un Petit Bain surchauffé qu’on se rendit, se glissant jusqu’aux premiers rangs pour assister, en ouverture de soirée, au set de Nina Garcia.
Déjà croisée sur scène avec d’autres musiciens (Arnaud Rivière et Augustin Bette), celle qui agit aussi sous le nom de Mariachi s’assit sur un tabouret, ceinte de sa guitare électrique, à 20h30 tout juste. Avec deux gros amplis dans le dos, la jeune femme livra un travail sur le son et son traitement, singularisé par une grosse dose de saturation, dans une veine expérimentale assumée. Un jeu avec le vibrato et le sélecteur lui permit, tout d’abord, d’opérer quelques variations, avant de gratter vigoureusement ses cordes à l’aide d’une carte plastifiée et d’une corde tendue. Se levant ensuite, Nina Garcia joua en open tuning, face à ses amplis, générant bourdon et buzz, paraissant sculpter la matière sonore et lui donner une consistance matérielle, accentuée quand elle traina la pointe de son manche au sol. Physique et radicale, mais aussi intègre et puissante, sa prestation de quarante-cinq minutes conduisit toutefois plusieurs spectateurs imprudents à se boucher les oreilles, ou à reculer de quelques mètres.
Tout ce petit monde effectua, pendant les quelques minutes de changement de plateau, le mouvement inverse afin de se trouver en bonne place pour voir l’octuor londonien prendre place sur scène. Quand nous les avions vus à l’Antipode de Rennes, nous avions été frappés (outre la disposition en cercle, sur une estrade placée au milieu du public) par les regards incessants des Anglais les uns sur les autres, et l’excellente coordination qui en résultait. À Petit Bain, dans une configuration frontale plus traditionnelle, les huit musiciens s’installèrent en deux arcs de cercle ouverts, quatre de chaque côté, permettant de maintenir ce contact visuel permanent. Reprenant des caractéristiques typiques de leurs compositions, ils débutèrent souvent leurs premiers morceaux de manière un peu hésitante : voix détimbrée et éloignée du micro, accords de guitare grattée avec un son très métallique, frappes de batterie d’Hugh Aynsley déstructurées, violon d’Oliver Hamilton peu lié, etc…
Puis, un peu comme un mécano qui s’assemblait sous nos yeux et dans nos oreilles, tout se mettait en place, singulièrement à la faveur de passages en duos savoureux : voix mêlées de Jasper Llewellyn et Magdalena McLean, basse de Freddy Wordsworth et guitare électrique de Mike O’Malley à la fin de U R UR ONLY ACHING (chaque musicien avec sa tête délicatement posée dans le creux de l’épaule de l’autre), pizzicati de violon contre guitare acoustique, basse contre batterie sur la fin de Good Morning (Red). Pour construire leur post-folk, les Anglais avaient aussi recours à certains procédés inventifs, telle cette caisse claire collée à l’ampli central au début de song 2, pendant que la clarinette basse d’Alex McKenzie jouait, faisant indirectement vibrer les ressorts de la percussion. De même, Coldplay Cover (rien à voir avec cet autre groupe britannique) mettait aux prises deux chansons parallèles, chacune interprétée par la moitié du groupe, la première étant captée au micro par Magdalena McLean avant de rejoindre ses trois autres confrères pour donner leur propre partition. Mais, là encore, sous ses apparences désordonnées, caroline démontrait de grandes qualités d’écriture puisque, par exemple, les accords de guitare d’une chanson tombaient pile dans les silences de l’autre chanson.
Possiblement moins harmonieux et moins feutré qu’à Rennes, ce concert parisien, plus foutraque et plus free par endroits fit aussi largement la part belle aux morceaux chantés et aux propositions mélodiques plus identifiables de leur nouvel album. Sur disque, elles se trouvent en partie assurées par Caroline Polachek, suppléée ici par McLean sur Tell Me I Never Knew That. Si quelques petites fausses notes furent à déplorer, le groupe transposa avec brio ces titres chantés (When I Get Home notamment) jusqu’à un total euphoria conclusif, largement salué, dès ses premiers accords, par le public. Marqué par la présence de pas mal d’anglophones, ce dernier servit, ensuite, des applaudissements nourris et mérités au groupe anglais.
le 17/09/2025