The Shell

En 2022 et 2023, ces pages avaient favorablement rendu compte des disques d’Andrew Ostler, Écossais adepte de croisements entre synthé modulaire et instruments à vent. Alors qu’on a raté son album publié en 2024, le propos trouve, avec The Shell, une nouvelle déclinaison, plus riche puisque le musicien s’entoure de deux partenaires chargés, précisément, d’un synthé modulaire et de la batterie. Une telle proposition, présentée sur trois longs morceaux gravés sur un beau vinyle rouge vif, se déploie pour offrir de beaux ensembles de jazz d’avant-garde, aux développements étirés et propices aux expérimentations diverses.

À ce titre, le synthé modulaire de Simon Kirby n’hésite pas à distordre les sons, à les saturer et à livrer des rendus pas éloignés de ce qu’une guitare électrique pourrait produire. Mêlées à la batterie régulière et assez présente de Leigh Chorlton, ces interventions positionnent le trio britannique aux confins d’un certain free-rock, mais en restant à la lisière de la débauche d’énergie un peu foutraque à laquelle ce registre peut conduire. Plus encore, la cohérence du propos et la synergie entre les trois membres rend assez insensible le passage d’un titre à l’autre sur la face A, l’enchaînement se faisant comme si on assistait à un concert, avec cette capacité à étendre des envolées de saxophone, à tenir certaines notes, à les triturer via le synthé modulaire et à laisser le soin à la batterie de faire tournoyer le tout. À force de conjuguer élans et tourbillons sonores, avec cet aspect un peu mécanique qu’apporte la batterie, des accointances krautrock percent également.

Petite surprise en retournant le disque puisque These Five Lidded Bowls se présente sous des atours beaucoup plus élégiaques, sans batterie pendant près de quatre minutes, avec un saxophone largement réverbéré et un synthé dévolu à un tapis accueillant et des petites montées chromatiques lumineuses. Puis, les lignes de synthé se saturent, la batterie, métronomique, entre, et The Shell nous sert une partition voisine d’un post-rock savant, qu’on aurait aimé voir se prolonger plus longtemps que le quart d’heure total de cette face B.

François Bousquet
le 03/10/2025