Isan / B. Fleischmann / Christian Kleine

Bien alléchante affiche pour cette nouvelle organisation du VK permettant aux sons électroniques de prendre d’assaut le Planétarium bruxellois, après le superbe plateau Helios / Deaf Center fin septembre dernier. Cette Morr Music labelnight est l’occasion de rencontrer le sieur Kleine, dont l’on était sans nouvelles récentes et que nous n’avions jamais vu en solo, et surtout de retrouver le grand Bernhard Fleischmann et le sympathique et raffiné duo anglais Isan.

Nous prenons donc place dans les fauteuils et nous apprêtons à nous laisser divaguer dans les étoiles, constellations zodiacales, lignes et formes diverses, sans attendre forcément grand chose du set de Christian Kleine qui n’a plus donné aucune nouvelle discographique de lui depuis le quelque peu décevant Real Ghosts il y a deux ans. Nous fûmes d’autant plus agréablement surpris par la précision et surtout l’ampleur de ses structures et envolées electronica, alternant passages légers et délicats typiquement Morr avec des déferlantes enveloppantes qui, couplées aux visuels forcément omniprésents, nous ont clairement emmené dans un voyage reposant, jouissif et onctueux. Il reste à attendre une nouvelle confirmation sur disque des indéniables qualités de cette figure de proue de l’éminent label berlinois frère de Morr.

Avec B. Fleischmann et Isan, nous retrouvons au contraire de fidèles comparses d’évasions électroniques dont nous suivons avec attention les pérégrinations depuis longtemps. L’Autrichien et les Anglais nous proposent deux visions distinctes de ce que l’electronica peut offrir : à la pop extatique et roborative de Fleischmann font écho les excursions douces de Robin Saville et Anthony Ryan. Mais tous deux ont en commun de proposer en live un véritable catalogue de leurs travaux discographiques, permettant de se repérer grâce à des morceaux à l’individualité forte et nettement marquée. Le set d’Isan nous aura globalement plus convaincu que ceux de l’an dernier, ce qui reflète notre préférence pour Plans Drawn in Pencil sur Meet Next Life qui pèche un peu parfois par facilité doucereuse. On retrouve cependant avec grand plaisir la douceur ouatée des climats, les rythmes veloutés et les notes claires qui sont la marque de fabrique d’Isan, dont les concerts sont toujours l’occasion d’évasions bucoliques bienveillantes.

Sur disque, c’est l’inverse avec B. Fleischmann, dont le dernier opus (The Humbucking Coil) nous plaît moins que ses précédents, notamment en raison de la présence de morceaux chantés et d’une inflexion vers des structures plus organiques (à l’image d’un Styrofoam) qui nous séduisent moins que ses grands classiques purement électroniques. Fort heureusement, ce set entièrement délivré au laptop, dans une rotonde plongée dans l’obscurité, permit à l’Autrichien de mettre en avant ses fines ciselures électroniques, son don inné des climats electronica-pop, sa générosité sonore intuitive. Une musique complexe derrière une immédiateté de façade, élégante, raffinée et jouissive, dont l’on pourra peut-être simplement regretter qu’elle se renouvelle somme toute assez peu - remarque qui vaut d’ailleurs aussi pour Isan. Cela étant, il est évident que dans un océan de productions électroniques quelconques, un disque ou un concert de Fleischmann ou d’Isan, deux des plus fameux porte-drapeau de la scène electronica, est un moment délectable que l’on savoure jusqu’à la dernière note.

Gilles Genicot
le 26/11/2006